======Europa====== Retour vers [[enseignant:jean_attali]]. {{:enseignant:jean_attali:europa.jpg?395&direct|}} {{:enseignant:jean_attali:elements_europa.png?395&direct|}} En 2016 est livré l'immeuble **//Europa//**, à Bruxelles, nouveau siège du Conseil européen et du Conseil de l'Union européenne. L'architecture du nouveau bâtiment, adossé à l'ancien Résidence Palace, est l'œuvre de Philippe Samyn, architecte et ingénieur. (Samyn & partners : [[https://samynandpartners.com/]]). Ce projet a donné lieu à deux monographies en 2013 (phase chantier) et en 2016 (achèvement et livraison du bâtiment). Les deux livres sont accessibles ci-dessous en e-books : [[https://samynandpartners.com/17_e-books/Europa_fr/index.html]] (2013). [[https://samynandpartners.com/17_e-books/elements-europa/fr/index_fr.html]] (2016). ====L'Europe après le Brexit.==== **//Europa// ou la nature de nos raisonnements politiques.** L’institution du Conseil européen, vue à travers le prisme du bâtiment **//Europa//**. Celui-ci a un programme, lequel découle des dispositions créées par le Traité de Lisbonne, substitut du Traité constitutionnel européen, mort-né. L’Europe a trébuché en poursuivant un projet dont la légitimité publique fut pour le moins entachée par un vote négatif lors du référendum soumis aux Français et aux Hollandais, en 2005. L’Europe, depuis ses débuts, avance littéralement à marche forcée et Luuk van Middelaar ne craint pas d’utiliser le mot « putsch » à maintes reprises (voir son livre //Passage à l’Europe// [2009], Gallimard, 2012, p. 54, 95, 98, 141, 143, 166, 172, 182, 183, 201, 279, 426), pour montrer les coups de force successifs qui ont marqué les étapes de la construction européenne. Il y a quelque chose de politiquement inexpiable dans le déni opposé à la volonté des peuples, dès lors que celle-ci a été formellement exprimée. Alors comment faire ? Sommes-nous enfermés dans le dilemme d’une démocratie qui ferait l’économie du suffrage populaire ou d’une alternative qui au nom de ce même suffrage ferait échouer un projet politique inspiré par des principes généraux voulus sinon reconnus – et pour cause – en tant que loi fondamentale ? D’où la question : faut-il imaginer une démocratie sans suffrage ou un suffrage sans démocratie ? Faut-il, autre aspect de la question, considérer comme démocratique (ou anti-démocratique) la politique du pas en avant et la stratégie qui consiste à engager presque mécaniquement la marche vers plus de fédéralisme, à chaque crise que l’UE est amenée à surmonter ? Eh bien, nous ne le savons pas et je me demande si qui que ce soit peut raisonnablement en décider. Mon intérêt pour le renforcement de l’exécutif européen (de la présidence de la Commission européenne et de celle du Conseil européen) va-t-il au-delà de l’intuition naïve qu’il vaut mieux qu’il y ait un pilote dans l’avion ? Mon « je ne sais pas » signifie seulement que j’admets les limitations de mon propre raisonnement politique mais aussi que je conserve la conviction que la raison politique est toujours placée devant le risque soit de sa confiscation soit de son partage inégal. Car un droit égal à exprimer son suffrage signifie un droit inégal à l'exercice du pouvoir politique dès lors que celui-ci se partage en forces respectivement majoritaires ou minoritaires. Ajoutons à cela le cas du Royaume-Uni. Je n’adhère pas à une analyse qui réduit un vote malheureux (celui des Britanniques, le 23 juin 2016) à la somme des mécontentements et des frustrations qui l’ont rendu possible. Je pense que ces forces négatives s’agrègent à un vecteur politique et stratégique. En l’occurrence, le sentiment anglais que la perte (la limitation de la souveraineté) est plus grande que le profit (les formes supra-étatiques de la solidarité et les fonctions de subsidiarité exercées par l’UE), joint à la conviction qu’une alternative est possible, quel que soit le risque pris. Résilience des alliances et des connivences nouées au sein du Commonwealth : portée magique de ce nom et nostalgie non éteinte d'une gloire perdue, pour les sujets du Royaume-Uni ? Privilège mondial de la langue anglaise ? Assurance fondée sur l’usage régalien de la Livre Sterling ? Ou bien garantie offerte par la puissance hétérotopique de la //City// ? Il est d'autant plus difficile d'évaluer les chances du Royaume-Uni hors de l'Union européenne que les modèles éventuels sont exogènes (Singapour ?) et que la capitale londonienne ne peut se porter garante à elle seule de l'unité du Royaume (l'Irlande, l'Ecosse…). Mon anglophilie biaise peut-être mon raisonnement… Ou bien suis-je enclin à suivre les positions de Jean-Claude Milner prônant (du moins pour lui-même) un retrait relatif vis-à-vis du politique ? (voir sa //Controverse//, 2012, avec — et contre — Alain Badiou.) En tout cas, nous voici en Europe devant cette situation inédite : ses trois plus grandes capitales appartiennent désormais à trois régimes, voire à trois aires politiques opposées : Londres, Paris, Moscou ! [Écrit à l'automne 2017, repris en juin 2020.]