======Nansha, district de Guangzhou 南沙区====== Retour page d'accueil : [[enseignant:jean_attali]]. {{:enseignant:jean_attali:nansha_arpenteur_sud_de_l_île.jpg?600&direct|}} Depuis une vingtaine d'années, la municipalité de Guangzhou s’est étendue au sud, sur la rive ouest du delta du fleuve des Perles. La ville nouvelle de Nansha, jusqu’à quatre-vingts kilomètres du centre historique de Canton, accueille désormais un port, des industries, les prémices de prochaines extensions urbaines : un territoire de 560 km2, administré depuis un centre-ville récent, mais s’étirant le long d’une plaine agricole et piscicole, irriguée par une trame régulière de canaux, creusés perpendiculairement au fleuve. La planification se projette jusqu’aux confins du territoire : établissements touristiques, réserve écologique, équipements publics, bourgs ruraux formant les noyaux d’une urbanisation progressive. Sur la plus grande des îles et presqu’îles du territoire de Nansha, la route principale croise les canaux à chaque kilomètre. Depuis l’extrémité sud de l’île vers les zones plus habitées au nord, chacun des ponts traversés marque de sa scansion le processus de substitution : l’alternance des grandes trames agricoles et des premiers établissements urbains rend visible la naissance d’un paysage mixte où se côtoient habitat traditionnel et installations modernes, pittoresque campagnard et précurseurs lointains de la ville dense. {{:enseignant:jean_attali:nansha_arpenteur_pont_2.jpg?370&direct |}} {{:enseignant:jean_attali:nansha_arpenteur_pont_1.jpg?390&direct |}} **Arpentages : les avant-courriers de l'urbanisation sur la grande île de Nansha. ** {{:enseignant:jean_attali:nansha_arpenteur_en_blanc.jpg?600&direct|}} | ====Un paysage fluvial, une vocation maritime.==== Le survol du territoire morcelé du delta révèle le découpage créé par les multiples embouchures du fleuve. Au nord, Nansha est constituée d’une péninsule, où sont situés à la fois le centre de la ville nouvelle et le débouché ouest du pont Humen. Celui-ci enjambe le lit principal du fleuve des Perles, à travers la partie la plus étroite du delta. L’image satellite révèle l’essentiel : des plaines alluvionnaires, sillonnées de canaux, et divisées en parcelles agricoles régulières. Ou bien, piémont de la montagne, engendrant sur ses flancs routes, petits établissements urbains, parcs d’activités ou de loisirs. Au sol, tous ces lieux sont placés sous la protection de la déesse du ciel, à qui sont dédiés, en une dizaine de terrasses et de bâtiments élevés sur une pente boisée, un temple et la tour d’une pagode. Plus au sud, le district de Nansha se déploie sur la grande île qui prolonge la péninsule, mais cette fois à travers un paysage sans relief, une sorte de « plat pays » fait de terres arables, bordées de digues et de voies d’eau. A l’est de la grande île, une seconde île, moins vaste, accueille les installations portuaires alors en construction (2008). Une autoroute descend depuis le centre de Guangzhou, suit la grande île le long de son axe longitudinal, puis coupe vers l’est pour rejoindre le port et sa zone d’activités. Le projet d’intégration urbaine de la péninsule et des îles, tel que le projetait et le dessinait Philippe Panerai dès 2002, prévoyait un aménagement des berges et l’utilisation des différents bras du fleuve grâce à la création de lignes de transport par bacs ou par caboteurs. L’idée, que l’on eût pu croire venue d’une inspiration vénitienne, impliquait sans doute une vision unifiée du paysage, et le dessein d’élever sur ses rives de véritables façades urbaines. Nansha n’en est sans doute pas là, et la ville nouvelle peinera à assumer, à distance du centre de Guangzhou, sa trop relative centralité. Le projet avait ce mérite cependant : il dessinait les contours d’un territoire intégré et soulignait à quel point la vocation de Nansha ne pourrait se révéler qu’à l’échelle de son site fluvial et presque maritime. L’ouverture urbaine de la plaine et du piémont vers les rivages du fleuve des Perles s’accomplit en fait à travers l’aménagement de lieux d’accueil touristiques, de réserves ornithologiques, de parcs et de jardins, comme s’il s’agissait d’inventer dans ces zones promises pourtant au trafic et à l’activité une alternative à la ville dense. En réalité, si Nansha est un bon témoin des processus d’expansion métropolitaine, elle n’en reste pas moins un territoire soumis à des logiques de développement qui la dépassent. Il faut en être conscient : la planification s’exerce puissamment en Chine, mais ses effets se ramifient en projets partiels et concurrents, et selon les interactions plus ou moins chaotiques à travers lesquelles les villes de la région négocient leur rôle et leur rang. Il est aussi difficile de se représenter ce système régional des villes et des bourgs qu’il l’est de cartographier en détail tout le réseau hydrographique du delta. Si Nansha est à la fois tête de pont, ville nouvelle, et, par sa localisation géographique, centre potentiel du delta, elle n’en reste pas moins la pointe la plus éloignée du cœur de Guangzhou. Ses dimensions mêmes permettent d’y projeter plusieurs avenirs possibles. ====Nansha New Zone, Free Trade Zone 南沙新区, 南沙自贸区. Aujourd'hui, un port géant.==== {{:enseignant:jean_attali:philosophie_et_cartographie:port_of_nansha_2020.jpg?240&direct|}} {{:enseignant:jean_attali:philosophie_et_cartographie:port_of_nansha_2020_about.jpg?300&direct|}} {{:enseignant:jean_attali:philosophie_et_cartographie:port_of_nansha_2020_layout.jpg?240&direct|}} ====Le relevé photographique.==== Comme terrain principal de notre enquête *, nous avions choisi la grande île, la plus longue, orientée du nord au sud sur une vingtaine de kilomètres. Nous avons parcouru ce paysage en suivant la route campagnarde, rectiligne et épine dorsale de la trame principale : à chaque kilomètre, un pont enjambe un canal, croise les digues habitées du bord de l’eau, amorce un carrefour où viennent se croiser les chemins de desserte des maisons de pêcheurs et des petites habitations villageoises, ainsi que les premiers greffons urbains. A l’époque, nous avions entrepris un relevé photographique de l’île le long de cet axe longitudinal, en remontant la route depuis son extrémité sud jusqu’à la jonction avec l’autoroute qui la relie au centre de Guangzhou. En partant du point le plus éloigné, nous avons progressé en nous arrêtant à chaque pont : les photos furent prises depuis ces points facilement repérables sur les images satellites, et en profitant du profil en dos d’âne des ouvrages, autorisant une vision en légère plongée du paysage de chacun des canaux. Au demeurant, nous nous étions donné pour règle de photographier à chaque fois dans les quatre directions de l’espace, toujours dans le même sens, au nord et à l’est puis au sud et à l’ouest. La trame des canaux impose au paysage son rythme répétitif, il nous fallait donc nous rendre attentifs à une évolution peu perceptible au premier abord, mais qui formait le sujet même de l’étude : de grands champs irrigués ou drainés, des terrasses maraîchères sur les digues, des maisons pauvres sur le haut de ces digues, fragiles masures de pêcheurs construites en planches faites d’écorces (jamais d’aubier), ou des maisons de briques construites à l’arrière de ces digues ; puis à l’approche des bourgs, des villas d’un ou deux étages, des immeubles alignés sur les voies, suivis de leur cortège d’équipements et de services urbains : marchés, guichets de la poste et de la banque, restaurants, écoles et cliniques. Au fur et à mesure que l’on remonte vers le nord, les vues deviennent plus complexes, l’horizon s’enrichit d’établissements plus nombreux et d’édifices aux gabarits plus massifs. Le principe du relevé sur un territoire de grande dimension implique que soit localisée chacune des photographies. La valeur ponctuelle de chaque image et l’information dont elle est porteuse doivent rester inséparables du lieu même où la photo a été prise : le réalisme, voire le naturalisme photographique, ont ici pour corollaire une stricte discipline cartographique. Afin de ne pas céder à l’emprise des images « génériques », facilement dénoncées comme uniformes et interchangeables, nous avons souhaité montrer au contraire la répétition des mêmes dispositions, mais en rebroussant le chemin que suit l’évolution métropolitaine, et d’un kilomètre à l’autre ou d’une traversée de canal à la suivante, révéler peu à peu la matrice de cette métamorphose qui fait surgir les signes de la ville en train de s’étendre au milieu d’un paysage qu’on croirait trop vite immémorial. La dynamique urbaine est ici à l’œuvre, mais sur un territoire propice : la plaine alluvionnaire est à peine séculaire, et les établissements ruraux guère plus anciens que les précurseurs de la grande ville. D’où le sentiment ici d’une grande plasticité du territoire, et d’une colonisation douce bien qu’inexorable, qui substitue, non pas la ville à la campagne, mais le mouvement généralisé de la grande cité à la stabilité du réseau des villages et des bourgs. ====Le film d'animation==== Les images satellites ont atteint un niveau de résolution et une qualité visuelle qui nous ont permis de « suivre » le cheminement au sol de notre enquête, voire de situer les édifices ou les carrefours photographiés par rapport à un contexte proche ou éloigné, peu visible depuis la route. L’animation de ces mêmes images, l’inclinaison de l’axe perspectif, jointes aux différentes fonctions de navigation offertes par Google Earth™, créent un substitut de vue à vol d’oiseau, parfaitement approprié à la description de ce paysage, dans sa structure à la fois persistante et changeante. Le « film » s’évertue à tirer le meilleur parti de cette association des photographies et des vues satellites. Le montage tente de surmonter la sécheresse de la présentation didactique par le recours aux expérimentations musicales de Lim Giong, compositeur habituel des musiques de film du cinéaste Jia Zhang Ké (//The World// ; //Still Life// ; //24 City//…). Il s’enrichit de quelques séquences vidéo, librement choisies pour leur qualité d’évocation de l’espace public chinois, mais sans référence directe au territoire de l’enquête. Cette entorse à l’exigence de « localisation » des vues photographiques a pour contrepartie l’ouverture de ces images fixes à la puissance véhiculaire de la culture urbaine chinoise : ses ambiances, sa musique, sa complexité sociale. {{ youtube>LHA-cr4iYXc?medium| }} Un film d’animation, d’une durée de 64 minutes, a été réalisé par Ron Kenley, en haute définition (AVCHD – PAL) et en son 5.1 dolby (2009). Le texte d’introduction, les photographies de Nansha (janvier 2008) et les inserts vidéos tournés à Shanghai (mars 2009) sont de Jean Attali. Le relevé de la route principale de la grande île de Nansha a été dessiné et annoté par Philippe Panerai. Les survols du territoire ont été réalisés avec Google Earth Pro™, mis à disposition dans le cadre du programme Google Outreach™. Les portraits équestres sur fond de paysages cartographiques chinois, sont extraits de //Cavalière Y Nansha//, cycle de sept toiles de grand format, réalisé par le peintre Laurent Marie Joubert à Nancy (Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Nancy, 2009). ====Nansha New Zone / Free Trade Zone - 南沙新区 / 南沙自贸区. Aujourd'hui (2020), un port gigantesque.==== Depuis 2008, date de l'enquête de terrain effectuée en compagnie de Philippe Panerai et de Zhang Liang *, le développement des installations portuaires a atteint un niveau exceptionnel. Seul port en eau profonde de la rive ouest du delta, il assure la desserte maritime de Guangzhou ainsi que de plusieurs des grandes villes riveraines : Foshan, Zhongshan, Jiangmen… Le port de Nansha rivalise désormais avec celui de Shenzhen sur la rive est. Pas moins de soixante grues géantes desservent sur des kilomètres les quais où transitent des milliers de conteneurs. * Recherche conduite dans le cadre du programme "Architecture de la grande échelle", financé par le Ministère de la culture et de la communication et le Ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer (2007-2009) Pour se faire une idée des ambitions planificatrices de la Chine, dans la région du delta du fleuve des Perles : [[http://www.ifadur.com/fr/projects/30.html.]] Consulté le 4 mai 2020. Retour vers la page d'accueil : [[enseignant/jean_attali]].