Salvador de Bahia, Brésil

São Salvador de Bahia de Todos os Santos ("Saint Sauveur de la baie de tous les saints"), fut découverte par des explorateurs portugais. Elle devint pendant près de deux siècles la capitale du Brésil, mais également la porte d’entrée du trafic des esclaves noirs africains, main-d‘œuvre de misère dans les grandes plantations agricoles de la région. La ville concentre l'une des plus grandes populations noires au monde, à l'extérieur de l'Afrique.

Le carnaval de Salvador n'est pas seulement une fête. C'est aussi un maquillage, un costume, un accessoire, un Abadás*, des danses, un chanteur, des percussions, un Trio Electrico*, de la drogue, de l'alcool. Ce sont également des associations, un Bloco*, des politiques, une sécurité, des écoles, des créateurs, des sponsors et des médias. C'est une mise en scène collective, sur le théâtre de la ville.

^{*Abadás : maillot d'une association carnavalesque inclus dans le forfait-carnaval, qui permet de participer à la parade.
*Trio electrico : camion équipé de matériel sonore, aménageable pour véhiculer une scène où montent les groupes carnavalesques lors de la parade.
*Bloco : unité carnavalesque qui intègre lors du Carnaval : l'association et ses membres annuels, l'ensemble du jeu instrumental, le personnel technique, le personnel de sécurité, le Trio Electrico et les les participants autorisés.}

Autrice : Élodie Chrétien

Titre : Salvador de Bahia, sa vision du carnaval.

Année : 2013

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Le Carnaval est une pratique de l'espace public à partir d'une expression corporelle délirante, le peuple s'amuse et rit, poussé par une grande force transmise par l'énergie de la masse.

“Pendant toute la durée du carnaval, personne ne connait d’autre vie que celle du carnaval. Impossible d’y échapper, le carnaval n’a aucune frontière spatiale.”

Mikhaïl Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Gallimard, coll. “Tel” n° 70, p.15.

Cet événement urbain est une prise de possession de l'espace public, un acte politique collectif qui se dissimule derrière le principe du rire. En effet, on peut parler d'un acte politique, car cette manifestation festive ouvre un espace qui permet d'exprimer les conflits d'une société brésilienne en proie à la violence des écarts entre les classes sociales et raciales. Le carnaval devient l'expression de l'effacement hiérarchique, le lieu d'abolition de toutes les différences, il permet donc l'affirmation de soi dans la liberté la plus intense de la danse et de la représentation folklorique.

Le Carnaval transforme les comportements autant qu'il transforme l'espace urbain. C'est une intervention éphémère qui use de la liberté spatiale offerte par l'espace public, pour imposer annuellement ses différentes scénographies.

Les réjouissances du Carnaval de Salvador se caractérisent par le mouvement des participants associés au Trio Electrico. La création de l'Avenida sete de setembro, qui a favorisé l'usage de l'automobile dans l'expansion de la ville au XIXème siècle, a également permis l'invention de cet outil carnavalesque et l'installation progressive des trois circuits du Carnaval dans son sillon.

Le Trio Electrico a permis de lire l'espace public matériel dans une dynamique humaine qui s'accroche à l'espace immatériel du son. Le cortège ainsi créé va lier les corps en transe pour écraser toutes les réalités spatiales urbaines et paysagères. Ces dimensions n'existent plus, l'homme ne répond qu'à la loi de son propre corps en interaction avec celui de son voisin de fête.

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